"Ceci n’est pas un disque de « piano solo ». Surtout pas!
J’ai beaucoup trop de respect pour les pianistes, les vrai.e.s, qui ont épuisé leurs phalanges des heures et années durant pour extirper à ce grand orque noir toutes les combinaisons qu’il recèle. Chez moi, rien de tout ça. Le grand Orque fait partie de la famille. Comme le chien. Pas une maison où je n'ai passé des bouts ma vie sans lui. Pas un jour sans que lui et moi ne partions en ballade. A se demander au bout du compte s’il est dans la maison ou si il est LA maison. Je ne me sens pas chez moi tant qu’il n’y est pas. C’est cette part d’intimité avec la musique que j’ai voulu capturer dans ce disque. Comme un enregistrement pirate. Ne surtout pas régler mes comptes avec le pianiste que je suis et surtout celui que je ne suis pas.
Jouer du piano fait partie de mes gestes. De ceux que l’on fait tous les jours sans même s’en rendre compte. Comme le pizzaoïlo prépare sa pâte ou le maçon son enduit, moi je joue au piano. Mais pas au pianiste.
Ces gestes là proviennent de loin. On nous les transmets, on les imite et il deviennent nôtres. Toute l’histoire des musiques dites « traditionnelles » partent de là. Mon histoire aussi. L’on dit que les maisons sont habitées par les fantômes des gens qui y ont vécu bien avant nous et que nous cohabitons avec eux. Il en est de même des musiques. On ne crée rien, on prolonge le geste de celles et ceux qui nous ont précédés.
Il ne serait pas impossible que si l’on ouvre la porte de cet album, l’on puisse voir passer les fantômes de Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou, Thelonious Monk, Charlie Chaplin, Mal Waldron, des vieilles fanfares minières du nord de l’Angleterre, d’un joueur de N’Goni au Mali, de Nina Simone, de Mary Lou Williams, de Ravel, de Schubert et j’en passe…. et cela d’autant plus que je les ai tous invités puisqu’ils et elles vivent en moi depuis toujours et qu’en fin de compte je vis aussi « chez » eux.
J’ai rêvé dès le départ, faire paraître cet album sur le label Buda Musique, véritable trésor de l’humanité, car il me semble que cette maison là est celle qui a le plus profondément documenté et depuis des décennies ce qu’était la musique dans la vie des gens, à travers le monde et le temps. Avec ce que j’espère de pudeur, j’ai voulu -probablement parce que je devenais papa- moi aussi documenter ce geste que m’a transmis ma mère afin que bien plus tard ma petite fille puisse reconnaître dans ces quelques morceaux, le son qu’elle entend tous les jours et qui deviendra peut-être aussi, à son tour, sa maison." Babx
Une maison avec un piano dedans (vinyle)
Vinyles
Par babx